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Fuir ou ne pas fuir ?

 

Le 17 novembre 2011,

Dans la revue de novembre, je lisais le témoignage de Jacques au sujet de son changement de travail, il s’achève sur une conviction : « Autre élément qui me semble tout aussi essentiel, se lancer dans une aventure qui change notre vie, doit être motivé par une envie, une aspiration positive et surtout ne pas être une fuite. »
Là je tique et je me demande pourquoi ? Pourquoi pas une fuite ? Qu'est-ce que la fuite a de si terrible pour qu'elle soit ainsi déclarée inacceptable ?
En y réfléchissant davantage, je réalise que la fuite est un comportement qui est pourtant bien présent dans la Bible : David fuit devant Saül, Jacob fuit Ésaü, Moïse fuit l'Égypte après avoir tué l'Égyptien, les Hébreux fuient l'Égypte et les chars de Pharaon... L'itinéraire spirituel de Jonas et celui d'Élie sont aussi deux fuites ! Et puis, dans l'Évangile aussi on fuit, les disciples fuient au moment de la passion et sauvent ainsi leur vie : Les disciples l'abandonnèrent et s'enfuirent tous. Or, un jeune homme suivait Jésus ; il n'avait pour vêtement qu'un drap. On le saisit. Mais lui, lâchant le drap, se sauva tout nu. (Marc 14, 50-52) Jésus lui-même nous incite à fuir : Lorsque vous verrez le Sacrilège Dévastateur installé là où il ne faut pas - que le lecteur de l'Écriture comprenne ! - alors, ceux qui seront en Judée, qu'ils s'enfuient dans la montagne ; celui qui sera sur sa terrasse, qu'il n'en descende pas et ne rentre pas pour emporter quelque chose de sa maison ; celui qui sera dans son champ, qu'il ne retourne pas en arrière pour emporter son manteau. (Marc 13, 14-16) Et puis il y a aussi la fuite en Égypte de la sainte famille : Après le départ des mages, l'ange du Seigneur apparaît en songe à Joseph et lui dit : « Lève-toi ; prends l'enfant et sa mère, et fuis en Égypte. Reste là-bas jusqu'à ce que je t'avertisse, car Hérode va rechercher l'enfant pour le faire périr. » Joseph se leva ; dans la nuit, il prit l'enfant et sa mère, et se retira en Égypte, où il resta jusqu'à la mort d'Hérode. Ainsi s'accomplit ce que le Seigneur avait dit par le prophète : D'Égypte, j'ai appelé mon fils. (Matthieu 2, 13-15) Là, il apparaît carrément que c'est le Seigneur qui commande à Joseph de fuir pour accomplir sa volonté ! Mais alors, si Dieu lui-même peut nous appeler à fuir, n'est-il pas dangereux de nous l'interdire à-priori ?
Attention, je ne dis pas que le salut se trouve toujours dans la fuite, mais il n'est pas non plus systématiquement dans le refus de fuir ! D'ailleurs, dans le principe et fondement, Ignace nous invite à accueillir la volonté de Dieu d'un coeur ouvert à tous les possibles, sans incliner davantage d'un côté que de l'autre afin de bien sentir à quoi Il nous appelle.
L'homme est créé pour louer, respecter et servir Dieu notre Seigneur et par là sauver son âme, et les autres choses sur la face de la terre sont créées pour l'homme, et pour l'aider dans la poursuite de la fin pour laquelle il est créé. D'où il suit que l'homme doit user de ces choses dans la mesure où elles l'aident pour sa fin et qu'il doit s'en dégager dans la mesure où elles sont, pour lui, un obstacle à cette fin. Pour cela il est nécessaire de nous rendre indifférents à toutes les choses créées, en tout ce qui est laissé à la liberté de notre libre-arbitre et qui ne lui est pas défendu ; de telle manière que nous ne voulions pas, pour notre part, davantage la santé que la maladie, la richesse que la pauvreté, l'honneur que le déshonneur, une vie longue qu'une vie courte et ainsi de suite pour tout le reste, mais que nous désirions et choisissions uniquement ce qui nous conduit davantage à la fin pour laquelle nous sommes créés.
Il me semble possible que le refus de toute fuite puisse marquer une forme d'attachement à l'honneur, ce qui peut alors s'opposer à notre avancée sur le chemin où Dieu nous appelle. Dans l'Évangile, Pierre lui-même fait peut-être preuve de cette forme de résistance, au moment même où Jésus va être livré. Jésus leur dit : « Vous allez tous être exposés à tomber, car il est écrit : Je frapperai le berger, et les brebis seront dispersées. Mais, après que je serai ressuscité, je vous précéderai en Galilée. Pierre lui dit alors : « Même si tous viennent à tomber, moi, je ne tomberai pas. » Jésus lui répond : « Amen, je te le dis : toi, aujourd'hui, cette nuit même, avant que le coq chante deux fois, tu m'auras renié trois fois. » Mais lui reprenait de plus belle : « Même si je dois mourir avec toi, je ne te renierai pas. » Et tous disaient de même. (Marc 14, 27-31) Pierre en viendrait à choisir la mort, contre la parole même de Jésus qui pourtant vient de leur donner rendez-vous en Galilée ! Et tous disent de même ! Heureusement pour nous et pour eux, ils s'enfuiront au lieu de mourir !
En fait c'en est comme de toute chose : fuir ou ne pas fuir, le tout est de faire un bon discernement.
Dans le film des hommes et des dieux, les moines décident de ne pas fuir, mais il leur faut du temps pour que cette décision s'éclaire et prenne tout son sens, qu'elle ne soit pas un geste héroïque et vain, mais bien un choix de vivre dans l'amour. Pour Jacques de même, il était sans aucun doute important pour lui que sa décision de partir à l'aventure ne soit pas une fuite, mais dans une autre circonstance, fuir pourra tout aussi bien être un authentique chemin de vie.
À chacun d'y voir clair selon l'Esprit.

X. L.

Pour me situer un peu, je suis membre engagé de la CVX, accompagnateur d'une communauté locale et au Coteaux-Païs Pau. J'en profite pour vous remercier tous pour le travail accompli par la revue.

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